Traduction faite sur le manuscrit
de la Bibliothèque Trivulziana de Milan
PROLOGUE de la Règle de Sainte Angèle Merici
Verset 1 – Au nom de la bienheureuse et indivisible Trinité.
v 2 – Prologue sur la vie des vierges, nouvellement commencée, et dont le nom est Compagnie de Sainte-Ursule.
v 3 – Aux filles et sœurs bien–aimées de la Compagnie de Sainte-Ursule.
v 4 – Puisque Dieu, mes filles et sœurs très aimées, vous a accordé la grâce de vous séparer des ténèbres de ce monde misérable, et de vous unir ensemble pour servir sa divine Majesté,
v 5 – vous devez le remercier infiniment de ce qu’à vous spécialement il ait accordé un don si singulier.
v 6 – En effet, combien de personnes importantes, et d’autres de toute condition qui n’ont pas, ni ne pourront avoir une telle grâce !
v 7 – C’est pourquoi, mes sœurs, je vous exhorte, ou plutôt je vous prie toutes et vous supplie : puisque vous avez été ainsi élues pour être les vraies et virginales épouses du Fils de Dieu,
v 8 – veuillez d’abord reconnaître ce que cela comporte, et quelle dignité nouvelle et stupéfiante cela est.
v 9 – Ensuite, efforcez-vous de tout votre pouvoir de vous conserver dans l’état où Dieu vous appelle ;
v 10 – et de chercher et vouloir tous les moyens et toutes les voies qui sont nécessaires pour persévérer et progresser jusqu’à la fin.
v 11 – Car il ne suffit pas de commencer si l’on ne persévère pas aussi. C’est pourquoi la Vérité dit : “ Qui perseveraverit usque in finem, hic salvus erit ” : celui qui jusqu’au bout aura persévéré, celui-là sera sauvé ”.
v 12 – Et elle dit encore : “ Beati qui audiunt verbum Dei et custodiunt illud ” ; c’est-à-dire : bienheureux sont ceux à qui Dieu aura soufflé au cœur la lumière de la Vérité et aura donné l’inspiration de désirer ardemment leur patrie céleste, et qui chercheront ensuite à conserver en eux-mêmes cette voix de vérité et ce bon désir.
v 13 – Sans aucun doute, seule cette personne-là pourra rester fidèle qui voudra aussi embrasser les moyens et voies nécessaires à cela,
v 14 – car, il y a peu ou pas de différence entre dire franchement : je ne veux plus servir Dieu, et ne pas vouloir les voies et règles nécessaires pour pouvoir se maintenir à son service.
v 15 – Et il faut que nous soyons d’autant plus vigilantes, mes sœurs, que notre entreprise est d’une telle importance qu’il ne pourrait y en avoir de plus grande,
v 16 – car il y va de notre vie et de notre salut,
v 17 – et nous sommes appelées à une vie tellement glorieuse que nous sommes épouses du Fils de Dieu et que nous devenons des reines au ciel.
v 18 – Mais ici il nous faut être avisées et prudentes ; en effet, plus l’entreprise où l’on s’engage à de valeur, plus elle comporte fatigues et dangers ;
v 19 – car ici il n’y a aucune sorte de mal qui ne cherche à s’y opposer, vu que nous sommes ici-bas placées au milieu de pièges et de dangers ;
v 20 – si bien que contre nous s’armeront l’air et la terre avec l’enfer tout entier, puisque notre chair et notre sensualité ne sont pas encore mortes.
v 21 – Et notre adversaire, le diable, ne dort pas non plus, lui qui jamais ne repose ; mais toujours (comme dit saint Pierre), tel un lion rugissant, il guette, et cherche comment il pourrait dévorer l’une de nous, et avec tant de ruses et d’astuces à lui, que personne ne pourrait les compter.
v 22 – Pourtant, mes sœurs, vous ne devez vous effrayer pour cela :
v 23 – car si vous vous efforcez à l’avenir, et de tout votre pouvoir, de vivre comme il est demandé aux véritables épouses du Très-Haut,
v 24 – et d’observer cette Règle comme la voie par laquelle vous devez marcher et qui a été tracée pour votre bien,
v 25 – j’ai cette foi et cette espérance, fermes et inébranlables, en l’infinie bonté de Dieu : non seulement nos surmonterons tous les périls et adversités, mais encore nous les vaincrons avec grande gloire et grande joie.
v 26 – Et même, nous passerons cette très courte vie dans la consolation,
v 27 – et chacune de nos douleurs et tristesses se changera en joie et allégresse ; et nous trouverons les routes épineuses et rocailleuses fleuries pour nous, et pavées de dalles d’or très fin.
v 28 – Car les anges de vie éternelle seront avec nous, c’est-à-dire dans la mesure où nous participerons de la vie angélique.
v 29 – Allons, courage donc ! Embrassons toutes cette sainte Règle que Dieu, par sa grâce, nous a offerte.
v 30 – Et armées de ses préceptes sacrés, comportons-nous si virilement que nous aussi, à la manière de sainte Judith, ayant tranché courageusement la tête à Holopherne, c’est-à-dire au diable, nous puissions retourner glorieusement dans la patrie,
v 31 – où, de la part de tous, au ciel et sur la terre, grande gloire et triomphe éclateront pour nous.
v 32 – Maintenant donc, de grâce, soyez toutes attentives, le cœur large et plein de désir.
DE LA MANIÈRE DE RECEVOIR – Chapitre 1
1, 1 – Premièrement : on rappelle que celle qui devra entrer ou être admise dans cette Compagnie doit être vierge
1, 2 – et avoir la ferme intention de servir Dieu dans cette sorte de vie.
1, 3 – Et puis : qu’elle y entre joyeusement
1, 4 – et de sa propre volonté.
1, 5 – Troisièmement : qu’elle ne soit promise ni à des monastères ni à des hommes de ce monde.
1, 6 – Quatrièmement : si elle a son père, ou sa mère, ou d’autres supérieurs qu’elle demande d’abord leur consentement ;
1, 7 – ainsi les gouvernantes et les gouverneurs de la Compagnie pourront, eux aussi, parler avec eux, afin qu’ils n’aient aucun motif légitime si, plus tard, par hasard, ils voulaient l’empêcher d’entrer sous cette sainte obédience.
1, 8 – Cinquièmement : qu’elle ait au moins l’âge de douze ans.
1, 9 – On rappelle cependant que celles qui sont plus jeunes peuvent être acceptées dans le groupe pour être formées à la réalité de ce genre de vie si singulier.
COMMENT ELLES DOIVENT ÊTRE VÊTUES – Chapitre 2
2, 1- On rappelle encore que les vêtements et la façon de les porter doivent être modestes et simples, comme l’exige vraiment l’honnêteté virginale :
2, 2 – ainsi donc, que chacune porte des corsages convenablement fermés ; et que, par-dessus, elle mette un fichu ou une écharpe en tissu, par exemple de lin ou de coton, pas trop léger et pas du tout transparent ; et de même pour le foulard sur la tête.
2, 3 – Quant aux habits, ils doivent être de drap ou de serge, de couleur brune ou tanné foncé, ou encore gris sombre ou brun sombre, comme il conviendra à chacune selon ses possibilités.
2, 4 – Mais les sœurs pourront cependant porter les vêtements qu’elles se trouvent avoir quand elles entrent dans la Compagnie, seulement aussi longtemps qu’ils dureront, à condition toutefois qu’ils ne comportent aucune sorte de volants, ni de crevés aux manches, ni de jours d’aucune espèce, ni de broderies ou autres choses semblables.
2, 5 – Et qu’elles aient à la taille une ceinture de cuir, en signe de mortification extérieure et de parfaite chasteté intérieure *
2, 6 – Qu’ils ne comportent ni soie, ni velours, ni argent, ni or ; pas de pantoufles ou de chaussures qui ne soient de couleur noire ou de forme modeste.
2, 7 – et pas de fichus ou de foulards colorés, ou de soie, ou d’un autre tissu trop léger ou transparent ; et pas de petits plis aux chemises.
2, 8 – Enfin, pas de ces modèles, de ces parures, de ces transparences et autres vanités qui pourraient souiller la conscience de chacune ou celle du prochain,
2, 9 – et qui seraient contraires à l’honnêteté virginale.
DE LA MANIERE DE SE COMPORTER DANS LE MONDE – Chapitre 3
3, 1 – Outre cela, on rappelle : Premièrement : qu’on n’ait pas de rapports avec des femmes de mauvaise vie.
3, 2 – Et puis : que pour rien au monde on n’écoute de messages d’hommes ou de femmes, surtout en secret.
3, 3 – Troisièmement : qu’on n’aille pas ni aux noces, ni aux bals, ni aux tournois, ni à d’autres divertissements semblables de goût mondain.
3, 4 – Quatrièmement : qu’elles ne restent pas au balcons, ni sur le seuil des portes ni dans les rues, ni seules ni en compagnie – et cela pour beaucoup de raisons.
3, 5 – Cinquièmement : qu’en allant par les rues ou les chemins elles aient les yeux baissés et soient bien modestement enveloppées dans leur fichu ;
3, 6 – et qu’elles marchent vite, et sans flâner ni s’arrêter ici ou là et sans rester à regarder curieusement quoique ce soit.
3, 7 – Car il y a partout des dangers, et différentes embûches et des pièges diaboliques.
3, 8 – Sixièmement : si leurs mères ou d’autres de leurs supérieurs séculiers voulaient les induire à ces périls
3, 9 – ou bien les empêcher de jeûner, de prier, de se confesser ou de faire quelque autre sorte de bien,
3, 10 – qu’elles en réfèrent tout de suite aux gouvernantes de la Compagnie afin que celles-ci y pourvoient.
DU JEUNE – Chapitre 4
4, 1 – On rappelle encore : que chacune veuille bien aussi embrasser le jeûne corporel comme une chose nécessaire,
4, 2 – et comme un moyen et une voie pour arriver au vrai jeûne spirituel, par lequel on retranche de l’esprit tous les vices et tous les égarements.
4, 3 – Et à ce jeûne nous pousse très clairement, l’exemple de toutes les personnes saintes,
4, 4 – et surtout la vie de Jésus-Christ, unique voie qui mène au ciel.
4, 5 – C’est pourquoi la sainte Mère Église le proclame de façon claire aux oreilles de tous les fidèles lorsqu’elle s’adresse ainsi à Dieu : “ Qui corporali ieiunio vitia comprimis, mentem elevas, virtutem largiris et praemia ” ; c’est-à-dire : “ O Dieu, toi qui par le jeûne corporel réfrènes les vices, élèves l’esprit, donnes la vertu et les récompenses ”.
4, 6 – Car, de même que la gourmandise fut l’origine de tous nos maux, de même il convient que le jeûne et l’abstinence soient le principe et l’instrument de tous nos biens et profits spirituels.
4, 7 – C’est pourquoi les saints canonistes disent : “ Indictum est ieiunium abstinentiae, lex a Domino Deo, praevaricatio legis a diabolo ” ; c’est-à-dire : le jeûne, loi d’abstinence, a été commandé par le Seigneur Dieu, et la transgression de la loi est causée par le diable.
4, 8 – A cause de cela, nous exhortons chacune à jeûner, spécialement aux jours suivants de l’année : Premièrement : tous les jours où la Sainte Mère Église le commande, c’est-à-dire tout le Carême, les Quatre-Temps et toutes les vigiles d’obligation.
4, 9 – Et puis tout l’Avent.
4, 10 – Troisièmement : qu’on jeûne les quarante jours qui suivent l’Épiphanie, pour dompter les sens, les appétits et la sensualité qui, à ce moment-là surtout, semblent dominer dans le monde,
4, 11 – et aussi pour implorer, devant le trône du Dieu Très-Haut, miséricorde pour tant d’actions dissolues qui, en ces temps-là, sont commises par des chrétiens, comme cela est plus que visible à tous.
4, 12 – Quatrièmement : qu’après l’octave de Pâques on jeûne trois jours par semaine, à savoir le mercredi, le vendredi et le samedi.
4, 13 – Cinquièmement : qu’on jeûne les trois jours des Rogations, ou Litanies, que l’Église célèbre avant l’Ascension afin d’implorer le secours divin pour le peuple chrétien.
4, 14 – Sixièmement : qu’on jeûne chaque jour après l’Ascension,
4, 15 – et qu’en même temps on se tienne en prière, avec toute la force d’esprit possible, jusqu’au jour de l’envoi du Saint-Esprit, c’est-à-dire jusqu’à la Pâque de Mai,
4, 16 – en implorant cette grande promesse faite par Jésus-Christ à ses élus, bien disposés [à le recevoir].
4, 17 – Septièmement : qu’après la Pâque de Mai on retourne aux trois jours susdits de la semaine, jusqu’à l’Avent.
4, 18 – Mais, comme on ne veut que des choses raisonnables, alors on avertit que nulle ne doit jeûner sans le conseil spécialement de son père spirituel
4, 19 – et des gouvernantes de la Compagnie, lesquelles devront réduire et diminuer ces jeûnes selon qu’elles en verront le besoin ;
4, 20 – parce que celui qui mortifie son corps sans discrétion, “ esset offerre holocaustum de rapina ” c’est-à-dire : c’est comme s’il offrait un sacrifice avec une chose volée ; et c’est aussi ce que disent les saints canons.
DE LA PRIERE – Chapitre 5
5, 1 – On rappelle encore que chacune doit être empressée à la prière, aussi bien mentale que vocale,
5, 2 – laquelle est compagne du jeûne ; l’Écriture dit, en effet : “Bona est oratio cum ieiunio ” ; c’est-à-dire : bonne est la prière avec le jeûne.
5, 3 – Et dans l’Évangile on parle de cette Anne, fille de Phanuel qui, dans le temple, jour et nuit, ne cessait de servir Dieu in ieiuniis et orationibus.
5, 4 – Car, de même que par le jeûne on mortifie les appétits charnels et ses sentiments propres, de même par la prière on obtient de Dieu la grâce de la vie spirituelle.
5, 5 – Et bien qu’il faille toujours prier d’âme et d’esprit à cause du besoin continuel que l’on a du secours de Dieu – et c’est pourquoi la Vérité dit “Oportet semper orare” ; c’est-à-dire : il faut toujours prier –
5, 6 – cependant nous conseillons aussi la prière vocale fréquente
5, 7 – par laquelle on éveille les sens corporels
5, 8 – et on se dispose à la prière mentale.
5, 9 – A cause de cela, que chacune veuille bien dire chaque jour, avec dévotion et attention, au moins l’Office de la Sainte Vierge et les sept Psaumes de la Pénitence.
5, 10 – Car en disant l’office on parle avec Dieu, comme le disait aussi le bienheureux Alexandre martyr.
5, 11 – Et celles qui ne sauraient pas le réciter, qu’elles se le fassent réciter par celles qui savent.
5, 12 – Et pour celles qui ne savent par lire, qu’elles veuillent bien dire chaque jour à Matines trente-trois Pater Noster et trente-trois Ave Maria en mémoire des trente-trois années que Jésus-Christ a vécues en ce monde par amour pour nous.
5, 13 – Puis à Prime, qu’elles disent sept Pater Noster et sept Ave Maria pour les sept dons du Saint-Esprit.
5, 14 – Et, de même, qu’elle en dise autant à chacune des autres Heures canoniales, c’est-à-dire à Tierce, à Sexte, à None et à Complies.
5, 15 – Et pour donner matière à l’oraison mentale et aussi lui ouvrir la voie, nous exhortons chacune à élever son esprit à Dieu et à s’y exercer chaque jour, et à dire, dans le secret de son cœur, de la façon suivante ou autrement, ou d’une manière semblable :
5, 16 – “ O mon Seigneur, illumine les ténèbres de mon cœur,
5, 17 – et donne-moi la grâce de mourir plutôt que d’offenser jamais aujourd’hui ta divine Majesté.
5, 18 – Et affermis mes affections et mes sens pour qu’ils ne prévariquent ni à droite ni à gauche,
5, 19 – et ne me détournent pas de ta Face resplendissante qui réjouit tout cœur affligé.
5, 20 – Hélas ! Désolée que je suis, moi qui, entrant dans le secret de mon cœur, n’ose par honte lever les yeux au ciel,
5, 21 – car je mérite d’être dévorée toute vivante dans l’enfer, puisque je vois en moi tant d’égarements, tant de laideurs et d’infamies, tant de bêtes et de figures monstrueuses et effrayantes.
5, 22 – Je suis donc forcée, jour et nuit, en mouvement, au repos, travaillant, réfléchissant, d’élever la voix et de lancer des cris vers le ciel, en demandant miséricorde et temps pour la pénitence.
5, 23 – Daigne, ô très bienveillant Seigneur, me pardonner tant d’offenses et chacune des fautes que j’ai pu commettre jusqu’à présent et depuis le jour de mon saint baptême.
5, 24 – Daigne aussi, hélas ! pardonner les péchés de mon père et de ma mère, et ceux de mes parents et amis, et ceux du monde entier.
5, 25 – Je t’en prie par ta Passion très sacrée, et par ton Sang précieux répandu pour notre amour ;
5, 26 – Et par ton saint Nom, béni soit-il au-dessus du sable de la mer, au-dessus des gouttes des eaux, au-dessus de la multitude des étoiles.
5, 27 – J’ai grande peine d’avoir tant tardé à me mettre au service de ta divine Majesté.
5, 28 – Hélas ! Jusqu’à présent, je n’ai jamais répandu ne fût-ce qu’une petite goutte de sang pour ton amour,
5, 29 – et n’ai jamais été obéissante à tes divins préceptes,
5, 30 – Et toute adversité m’a été âpre à cause de mon peu d’amour pour toi.
5, 31 – Seigneur, prenant la place de ces pauvres créatures qui ne te connaissent pas,
5, 32 – et ne se préoccupent pas de participer à ta Passion très sacrée,
5, 33 – mon cœur se crève,
5, 34 – et volontiers, si je le pouvais, je répandrais mon propre sang pour ouvrir les yeux aveugles de leur esprit.
5, 35 – C’est pourquoi, ô mon Seigneur, ma seule vie et mon unique espérance,
5, 36 – je te prie de recevoir ce cœur si misérable et si impur,
5, 37 – et de brûler chacune de ses affections et passions dans la fournaise ardente de ton divin amour.
5, 38 – Je te prie de recevoir mon libre arbitre,
5, 39 – chaque expression de ma volonté propre qui, d’elle-même, infectée qu’elle est par le péché, ne sait discerner le bien du mal.
5, 40 – Reçois chacune de mes pensées, paroles et actions,
5, 41 – et finalement tout ce qui est à moi, et en moi, et hors de moi.
5, 42 – Tout cela je le dépose en offrande aux pieds de ta divine Majesté.
5, 43 – Et je te prie de daigner le recevoir bien que j’en sois indigne.
5, 44 – Amen ”
DU DEVOIR D’ALLER À LA MESSE CHAQUE JOUR – Chapitre 6
6, 1 – Et encore, que chacune aille à la Messe chaque jour et en entende au moins une entière ?
6, 2 – et qu’elle s’y tienne avec modestie et dévotion,
6, 3 – car, dans la sainte Messe, se trouvent tous les mérites de la Passion de notre Seigneur.
6, 4 – Et plus on y assiste avec attention, foi et contrition, plus on participe à ces mérites bénis et plus grande est la consolation qu’on reçoit.
6, 5 – Et même ce sera une communion en esprit.
6, 6 – Mais, d’autre part, on recommande de ne pas s’attarder trop dans les églises.
6, 7 – Cependant, si elles veulent prier plus longuement, qu’elles aillent dans leur chambre, et là, portes fermées, qu’elles prient de la manière et aussi longtemps que l’Esprit et la conscience le leur dicteront.
DE LA CONFESSION – Chapitre 7
7, 1 – On exhorte encore à fréquenter la confession, remède nécessaire aux plaies de nos âmes.
7, 2 – Car jamais nul ne sera justifié du péché si, d’abord, de sa propre bouche, il ne confesse ses fautes au prêtre, comme dit l’Écriture : “ Dic tu prius iniquitates tuas ut justificeris ” ; c’est-à-dire : dis d’abord toi-même tes péchés, afin d’être justifié.
7, 3 – Et la Vérité dit à saint Pierre : “ Tibi dabo claves regni caelorum, et quodcumque solveris super terram erit solutum et in caelis ” ; c’est-à-dire : je te donnerai les clefs du Royaume des cieux ; et ce que tu auras lié sur la terre sera lié aussi dans le ciel, et ce que tu auras délié sur la terre sera délié aussi dans le ciel.
7, 4 – Ici on montre clairement que le péché ne peut pas être enlevé sinon par le prêtre et par la confession.
7, 5 – En effet : comment le prêtre pourra-t-il délier d’un péché s’il ne le connaît pas ?
7, 6 – Et comment pourra-t-il le connaître si celui qui l’a commis ne le manifeste pas de sa propre bouche, puisque le péché se tient caché au-dedans ?
7, 7 – Que chacune donc veuille bien se présenter devant le prêtre comme devant Dieu Juge éternel,
7, 8 – et là, pleine de regret,
7, 9 – en toute sincérité et vérité de conscience, qu’elle confesse son péché
7, 10 – et en demande pardon ;
7, 11 – et que toujours elle se tienne devant le confesseur avec crainte et révérence, jusqu’à ce qu’elle ait reçu l’absolution.
7, 12 – A ce sujet, on fait savoir qu’il faut choisir un lieu ou une église déterminée où l’on élira un père spirituel commun, prudent et d’âge mûr, auquel chacune voudra bien se confesser au moins une fois par mois ;
7, 13 – et puis, qu’elles veuillent bien se réunir dans cette église chaque premier vendredi du mois, et là, toutes ensemble, qu’elles reçoivent la communion de ce même père.
7, 14 – En outre, nous exhortons chacune à se confesser et à communier dans sa propre paroisse aux fêtes solennelles.
DE L’OBEISSANCE – Chapitre 8
8, 1 – On exhorte chacune à garder la sainte obéissance.
8, 2 – seule vraie abnégation de la volonté propre, laquelle est en nous comme un enfer ténébreux.
8, 3 – c’est pourquoi Jésus-Christ dit : “ Non veni facere voluntatem meam, sed eius qui misit me Pater ” ; c’est-à-dire : je ne suis pas venu pour faire ma volonté, mais celle du Père qui m’a envoyé.
8, 4 – Car l’obéissance est en l’homme comme une grande lumière qui rend bonne et agréable chacune de ses œuvres ;
8, 5 – c’est pourquoi on lit : “ Melius est obedire, quam sacrificare ” ; c’est-à-dire il est meilleur d’obéir que de sacrifier.
8, 6 – Et les saints canons disent : “ Nullum bonum est extra obedientiam ” ; c’est-à-dire : toute chose que nous faisons, pour qu’elle soit bonne, doit être faite sous l’obéissance.
8, 7 – Par conséquent, que chacune veuille bien obéir : premièrement aux commandements de Dieu, car l’Écriture dit : “ Maledictus qui declinat a mandatis tuis ” ; c’est-à-dire : maudit est celui qui n’observe pas tes commandements.
8, 8 – Et ensuite : à ce que demande la sainte Mère Église, car la Vérité dit : “ Qui vos audit me audit et qui vos spernit me spernit ” c’est-à-dire : qui vous écoute m’écoute ; qui vous méprise me méprise.
8, 9 – Troisièmement : obéir à son propre évêque et pasteur, et à son propre père spirituel.
8, 10 – Et aux gouverneurs et gouvernantes de la Compagnie.
8, 11 – En outre : obéir aux pères et mères, et aux autres supérieurs de la maison,
8, 12 – auxquels nous conseillons de demander pardon une fois par semaine, en signe de soumission et pour conserver la charité.
8, 13 – Obéir encore aux lois statuts des seigneurs ; et aux gouverneurs des états.
8, 14 – Et par-dessus tout : obéir aux conseils et inspirations que l’Esprit Saint nous envoie continuellement au cœur,
8, 15 – lui dont nous entendrons d’autant plus clairement la voix que nous aurons la conscience plus purifiée et plus nette.
8, 16 – Car l’Esprit Saint, comme dit Jésus-Christ, est celui qui “ docet nos omnem veritatem ” ; c’est-à-dire : celui qui nous enseigne toute vérité.
8, 17 – Donc en conclusion : obéir à Dieu et à toute créature par amour de Dieu, comme dit l’Apôtre,
8, 18 – pourvu qu’on ne nous commande rien qui soit contraire à l’honneur de Dieu et à notre propre honnêteté.
DE LA VIRGINITÉ – Chapitre 9
9, 1 – Que chacune veuille bien encore conserver la virginité sacrée,
9, 2 – non en faisant le vœu sur exhortation humaine, mais en faisant volontairement à Dieu le sacrifice de son propre cœur.
9, 3 – Parce que la virginité (comme le disent encore les canonistes) est sœur de tous les anges,
9, 4 – victoire sur les appétits, reine des vertus,
9, 5 – et qu’elle possède tous les biens.
9, 6 – Aussi chacune doit-elle se comporter en toute chose de manière à ne commettre ni en elle-même, ni en présence du prochain, rien qui soit indigne des épouses du Très-Haut.
9, 7 – Et donc, par-dessus tout, qu’elle garde le cœur pur et la conscience nette de toute pensée méchante,
9, 8 – de toute ombre d’envie et de malveillance,
9, 9 – de toute discorde et mauvais soupçon
9, 10 – et de toute autre inclination et volonté mauvaises.
9, 11 – Mais qu’elle soit joyeuse et toujours pleine de charité, et de foi, et d’espérance en Dieu.
9, 12 – Et que sa façon d’être avec le prochain soit raisonnable et mesurée, comme dit saint Paul : “ Modestia vestra nota sit omnibus hominibus ” ; c’est-à-dire : que votre retenue et votre prudence soient visibles à tous ; et donc que chacune de vos actions et paroles soit honnête et bien réglée.
9, 13 – Sans prononcer en vain le nom de Dieu.
9, 14 – Sans faire de serment, mais en disant seulement avec modestie : oui, oui ou non, non ; comme Jésus-Christ l’enseigne.
9, 15 – Sans répondre avec arrogance.
9, 16 – Sans faire les choses de mauvais gré.
9, 17 – Sans rester en colère.
9, 18 – Sans murmurer.
9, 19 – Sans rapporter quoi que ce soit de mal.
9, 20 – Enfin, sans faire ni acte ni geste qui soit indigne en particulier de celles qui portent le nom de servantes de Jésus-Christ.
9, 21 – Mais que toutes nos paroles, nos actions et nos comportements soient toujours un enseignement et un motif d’édification pour qui aura à faire avec nous,
9, 22 – ce qui suppose que nous ayons toujours brûlante au cœur la charité.
9, 23 – De plus, que chacune soit prête à mourir plutôt que de consentir jamais à souiller et à profaner un joyau aussi sacré.
DE LA PAUVRETE – Chapitre 10
10, 1 – Nous exhortons enfin chacune à embrasser la pauvreté,
10, 2 – non seulement la pauvreté effective des choses temporelles,
10, 3 – mais surtout la vraie pauvreté d’esprit, par laquelle l’homme dépouille son cœur de toute affection
10, 4 – aux choses créées, de tout espoir en elles,
10, 5 – et de soi-même.
10, 6 – Et c’est en Dieu qu’il a tout son bien ; et hors de Dieu il se voit tout à fait pauvre, et qu’il est vraiment un rien, et qu’avec Dieu, il a tout.
10, 7 – Car la Vérité dit : “ Beati pauperes spiritu, quoniam ipsorum est regnum caelorum ” ; c’est-à-dire : bienheureux sont les pauvres en esprit, car le royaume des cieux est à eux.
10, 8 – Que chacune s’efforce donc de se dépouiller de tout,
10, 9 – et de mettre tout son bien, et son amour, et sa délectation, non dans ce qu’elle a,
10, 10 – ni dans les nourritures et les satisfactions de la table,
10, 11 – ni dans ses parents et amis,
10, 12 – ni en elle-même et en ses propres ressources et en son savoir,
10, 13 – mais en Dieu seul, et en sa seule providence bienveillante et ineffable.
10, 14 – C’est pourquoi l’Évangile dit : “ Primum quaerite regnum Dei, et haec omnia apponentur vobis ” ; c’est-à-dire : cherchez d’abord le Royaume de Dieu, et toutes ces autres choses vous seront offertes.
10, 15 – Et il dit encore : “ Nolite solliciti esse quod comedatis, neque quod bibatis : scit enim Pater vester quia his omnibus indigetis ” ; c’est-à-dire : ne soyez pas empressés à chercher ce que vous devez manger, ni ce que vous devez boire, car votre Père céleste sait bien, lui, que vous avez besoin de toutes ces choses ;
10, 16 – comme s’il disait clairement : ne vous tracassez au sujet d’aucun de vos besoins temporels,
10, 17 – car Dieu, et lui seul, sait, peut et veut y pourvoir ;
10, 18 – lui qui ne veut que votre seul bien et votre seule joie.
DU GOUVERNEMENT – Chapitre 11
11, 1 – Pour gouverner cette Compagnie, on dispose qu’il faudra élire quatre vierges parmi les plus capables de la Compagnie,
11, 2 – et au moins quatre matrones veuves, prudentes et de vie honnête,
11, 3 – et quatre hommes mûrs et expérimentés.
11, 4 – Que ces vierges soient comme des maîtresses et des guides dans la vie spirituelle.
11, 5 – Et que les veuves soient comme des mères, pleines de sollicitude pour le bien et l’utilité de leurs sœurs et filles spirituelles.
11, 6 – Et que les quatre hommes soient comme des agents, et même comme des pères quant aux éventuelles nécessités de la Compagnie.
11, 8a – Et donc que les quatre vierges veuillent bien prendre pour leur tâche propre principalement ceci : visiter tous les quinze jours,
11, 7 – ou plus ou moins suivant le besoin,
11, 8b – toutes les autres vierges, leurs sœurs, qui sont ici et là dans la ville,
11, 9 – afin de les réconforter et de les aider si elles se trouvaient dans quelque situation de discorde ou dans quelque autre tribulation, aussi bien de corps que d’esprit,
11, 10 – ou bien si les supérieurs de l’une d’elles à la maison lui faisaient quelque tort,
11, 11 – ou voulaient l’empêcher de faire quelque bien,
11, 12 – ou l’induire au danger de faire quelque mal.
11, 13 – Et si elles-mêmes ne pouvaient y pourvoir, qu’elles en réfèrent aux matrones.
11, 14 – Et si celles-ci non plus ne peuvent y remédier, qu’on veuille bien convoquer aussi les quatre hommes, afin que tous ensemble collaborent pour y porter remède.
11, 15 – S’il arrivait que l’une des sœurs, étant orpheline, ne puisse avoir ce qui lui revient,
11, 16 – ou bien si, étant domestique, ou femme de chambre, ou autre chose, elle ne pouvait toucher ses gages,
11, 17 – ou s’il arrivait un autre cas semblable, à cause de quoi il faudrait aller en justice, et agir par voie légale,
11, 18 – ou se mettre d’accord (ce qui serait la meilleure chose à faire),
11, 19 – alors ces quatre hommes voudront bien par charité, et comme des pères, se charger de cette affaire et apporter leur aide selon qu’il en sera besoin.
11, 20 – Si quelques-unes des personnes du gouvernement venaient à manquer, pour cause de mort ou pour avoir été relevées de leurs offices, alors la Compagnie voudra bien se réunir et en élire d’autres pour compléter le nombre légal.
11, 21 – Et encore, s’il y en avait une incapable de remplir son office ou qui se conduise mal, que cette personne-là soit retirée du gouvernement.
11, 22 – Si, de par la volonté et la libéralité de Dieu, il arrivait que l’on eût en commun de l’argent ou d’autres biens, on rappelle que l’on doit les administrer comme il faut
11, 23 – et qu’on doit les dispenser prudemment,
11, 24 – spécialement pour aider les sœurs et en fonction de chaque besoin éventuel.
11, 25 – S’il y avait ne fût-ce que deux sœurs à rester seules, sans père ni mère, ni autres supérieurs, alors, par charité, qu’on loue pour elles une maison (si elles n’en ont pas), et qu’on subvienne à leurs besoins.
11, 26 – Mais s’il n’y en a qu’une seule, alors que l’une des autres veuille bien la recevoir dans sa maison,
11, 27 – et qu’on lui donne la subvention qui paraîtra convenable à celles qui gouvernent.
11, 28 – Cependant, si elle voulait aller se placer comme domestique ou femme de chambre, celles qui gouvernent devront s’occuper de la chose, afin qu’elle soit placée là où elle pourra se trouver bien et vivre honnêtement.
11, 29 – S’il y en avait de si vieilles qu’elles ne puissent se suffire à elles-mêmes, qu’elles acceptent, de grâce, d’être assistées et servies comme de vraies épouses de Jésus-Christ.
11, 30 – Enfin si l’une des sœurs est malade, on recommande qu’elle soit visitée, aidée et servie, de jour et de nuit si cela est nécessaire.
11, 31 – Et si elle se trouve près de mourir, qu’elle veuille bien laisser à la Compagnie quelque petite chose, en signe d’amour et de charité.
11, 32 – Quand l’une d’elles sera morte, alors toutes les autres voudront bien l’accompagner à son tombeau, marchant deux à deux, avec charité, et tenant chacune un cierge à la main.
11, 33 – Et celle qui sait lire dira l’Office des morts ;
11, 34 – et celle qui ne sait pas lire dira trente-trois Pater Noster et autant d’Ave Maria,
11, 35 – afin que, si cette âme était dans les peines du purgatoire pour quelque péché, notre doux et bienveillant Jésus-Christ la tire de ces peines, et la conduise à la gloire céleste avec les autres vierges, couronnée de la couronne virginale toute d’or, éblouissante de lumière.